Initiation au pavage – partie 1

Cela fait déjà un bout de temps que je n’ai pas mis en ligne des évolutions de mon travail. Pour autant je n’ai pas chômé sur août et septembre même si j’ai ralenti la cadence au profit d’autres projets. Aujourd’hui, je vais vous présenter quelques nouveaux motifs et les évolutions qu’on peut leur trouver.

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J’ai réalisé sur la même base d’une palette de couleur trois motifs complémentaires par leurs formes. Je suis parti d’un octogone comme j’ai pu le faire précédemment et je me suis demandé quelle forme complémentaire je pourrais lui apporter pour un pavage correct.

En mathématique on appelle « pavage » un recouvrement du plan sans espace vide et à l’inverse sans chevauchement.

Le pavage le plus simple est bien sûr le pavage effectué à base de carrés de même taille dont je vous montre ci-dessous un exemple de construction avec l’aide de notre palette de couleur.

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Mais en utilisant différentes tailles de ce même carré et en déstructurant la composition alors on obtient quelque chose de plus artistique dont vous pouvez voir ci-dessous les différences. Cette technique a certainement été utilisé pour la première fois dans les années 20 par les artistes et designers de cette période dont les artistes Paul Klee, Pete Mondrian, et c’est devenu par l’intermédiaire du mouvement Bauhaus et l’expansion de l’imprimerie et de l’affiche un motif récurrent depuis plus de 100 ans maintenant.

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Vous voyez par ce simple exemple l’intérêt graphique de ce procédé. Mais revenons à nos moutons et plus précisément dans notre cas à notre pavage. Je vous ai dis que je prenais comme base la forme octogonale et je vous explique le principe du pavage avec un carré. C’est simplement parce que l’octogone ne permet pas à lui seul de paver le plan puisque sa forme et ses angles font que si on veut les mettre côte à côte, donc sans les faire se chevaucher, il restera des trous dans notre dessin. On est donc dans l’impossibilité de réaliser un pavage correct.

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À l’inverse si on veut utiliser comme complément de notre octogone de base un carré et l’appliquer à toute ses faces pour réaliser ce pavage, alors on remarquera dans le cas suivant qu’il y a aussi des trous dans lesquels on ne pourra ni mettre des carrés ni y mettre des octogones. La même chose en utilisant uniquement des octogones nous montre bien le chevauchement de ces formes autour de notre forme de base.

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En s’interrogant sur ces deux formes et en faisant plusieurs essais de placement ou en se demandant si on ne peut pas ajouter une troisième forme (un triangle éventuellement ici ou un losange comme visualisé par les chevauchements sur le deuxième motif de notre figure précédente), on se dit qu’on a que des carrés et des octogones et qu’il faut qu’on se débrouille avec.

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Alors on teste sur son ordinateur les placements possibles et d’abord à base d’octogones puis à base de carrés ci-dessus et on finit par trouver le bon placement (ça aurait été plus vite à la main qu’à devoir manipuler des données mathématiques pour quelque chose d’aussi basique et connu depuis des millénaires certainement). Le seul intérêt de la chose est de s’apercevoir que dans ces manipulations et les graphiques qui en résultent, on voit apparaître d’autres formes de zelliges : losanges, triangles, pointes de flèches, hexagones ou octogones aplatis, octogones tronqués (en forme de croissant de lune stylisé), étoile à quatre branches et d’autres formes plus ou moins bizarres qu’on ne peut pas nommer dans l’immédiat; il faudra attendre qu’elles nous fassent penser à un objet ou à un autre pour cela.

Pour finir, on tombe sur la bonne solution par hasard ou par logique et on peut créer son pavage et lui apporter les couleurs de notre palette. Maintenant le changement de palette nous ouvre des portes infinies et des effets somptueux ou permettant des effets d’optiques intéressants.

On notera que notre forme définitive ressemble à s’y méprendre à un carré hérissé de pointes et d’ailleurs, mince ! l’effet est partout dans ce dernier exemple. On voit les carrés se former et l’agrandissement de la forme nous amène à des carrés plus grands, plus complexes; en fait des motifs issus d’une des formes de base. Les artisans des civilisations arabes ont utilisé cette particularité pour la reproduction de leurs motifs en fresques incroyablement belles.

Nous verrons cela dans la prochaine partie.

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Le travail que je fais, je le fais sans me poser les mêmes questions qu’ont pu se poser les artisans et les mathématiciens arabes du Xème siècle. À cette époque point d’ordinateur et d’imprimante, les motifs étaient créés par de nombreuses rotations des compas et le motif apparaissait en y ajoutant des traits délimitants les formes. Cela sur un support du plus simple (le sable) au plus élaboré (le parchemin ou le papyrus), avec peut-être pour le maître d’œuvre l’usage de l’argile car ce matériau est la base de la céramique (keramos veut dire argile en grec) et son recyclage est facile car il suffisait de tracer le motif dans une tablette d’argile cru et de la fournir à l’artisan qui n’aura plus qu’à la recycler en la remouillant lorsque son travail est réalisé. Il y a sur internet une pléthore de formations à comment dessiner un motif de zelliges par cette méthode du compas, en vidéo bien sûr.

Suite de l’article ici : Initiation au pavage – partie 2